“Comment c’est, de vivre en Suède ?”, “Ce n’est pas trop différent?”, “La gastronomie française ne te manque pas?”. Avant de poser nos valises dans un pays, voici autant de questions que l’on entend au détour des conversations ou que nous nous posons à nous-mêmes. Imaginez combien la vie serait simple si nous ne devions faire face qu’à quelques petites différences ! Mais voilà, vivre à l’étranger est un vrai jeu de chamboule-tout.
Tout ce que l’on avait construit et stabilisé, parfois à grand peine, se retrouve dans un équilibre précaire. Pourquoi? Parce que si le choc culturel est envisagé et préparé, personne n’est prêt à faire face à des chocs plus insidieux nous touchant au niveau personnel. En voici quelques uns que nous identifions et comment les décrypter pour tenter de les surpasser.
1. Le choc culturel classique
Commençons par le plus simple ! Se moucher ou renifler, faire du bruit en mangeant si on prend l’exemple des différences France-Japon, laisser les enfants dehors alors il pleut averse ou qu’il fait froid en Suède comparé à la France ; définir à partir de quel moment une personne est en retard… sont autant d’usages spécifiques à un groupe qui définit pour lui-même ce qui est poli, respectueux, relevant de la normalité ou non.
Ces usages et codes sont inculqués depuis la naissance et leur pratique devient inconsciente à moins d’être confronté à la différence, ce qui arrive lorsque qu’on change de pays. C’est alors le choc culturel !
Comment repérer les jugements culturels? Facile, identifiez les : “Ce n’est pas comme ça que”, “Comment font-ils… ?”, “Ils ne savent pas…”, “Ils sont impolis, fainéants… “.
Comment en sortir? Respirez, vous avez le droit d’être énervé, choqué, faites une pause et demandez-vous les bénéfices de ces comportements. Discutez-en avec les locaux qui vous en donneront éventuellement les raisons. Tout s’explique !
C’est maintenant que cela se corse. Les autres chocs sont plus sournois et même si l’on pense s’y préparer, les expérimenter au quotidien s’avère très différent. Un accompagnement par un coach ou même un psychologue peut alors avoir tout son sens.
2. Le choc des identités
Il n’est plus question de choc franco-suédois ici mais de votre propre choc personnel entre la personne que vous étiez en France et celle que vous êtes et voulez devenir (ou pas) dans votre pays d’adoption.
Immergé dans son pays, dans sa routine, chacun se crée une identité et un chemin qu’il souhaite suivre. L’expatriation peut tout faire voler en éclats. Que l’on ait 20, 30, 50 ans ou plus, cela s’apparente en quelque sorte à la “crise de la quarantaine”. C’est sans doute le choc qui demande le plus de vigilance mais qui peut aussi être le plus libérateur ! Prenez les remises en question et les doutes comme autant de chances de vous réinventer. Sortez de votre coquille pour vous exprimer pleinement.
3. Le choc du “mariage à trois”
Il s’agit de la relation entre vous-mêmes, le conjoint et l’entreprise quand vous êtes envoyés dans un pays par un employeur. Dans cette relation à trois, les attentes des différentes parties peuvent parfois être contradictoires et non exprimées :
– L’expatrié (au sens contractuel) est pris entre ses propres attentes, les attentes de son conjoint que ce soit au niveau personnel, professionnel et familial et celles de son entreprise, à savoir une performance certaine ;
– Le conjoint comprend les enjeux de l’expatriation pour l’expatrié et pour l’entreprise mais souhaite s’enrichir également de cette expérience ; il porte également les attentes de la famille;
– L’entreprise souhaite un collaborateur engagé et sait également que le conjoint occupe une place prépondérante dans la réussite de cette expatriation.
Comment gérer ? Echangez sur vos objectifs respectifs, exprimez-vous sur ce que vous êtes prêt à donner et aux limites que vous souhaitez poser.
4. Le choc du couple ou de la famille en choc
Dans le cas ou l’expatriation se fait en famille, tout se complique. Conjoint, enfants, chacun expérimente sa nouvelle vie à sa façon avec ses hauts et ses bas. Le hic est que tout le monde ne vit pas au même rythme sa période d’adaptation. Par exemple, les discussions sont parfois de vrais langages de sourds car vous êtes contents de votre vie professionnelle mais vous vous ennuyez socialement alors que votre conjoint s’éclate socialement mais se languit d’un emploi…
Par ailleurs, les territoires auparavant bien délimités voient leurs frontières se flouter : ce qui relève de la sphère professionnelle peut se mélanger avec la sphère sociale voire familiale.
Un conseil ? Échangez là aussi, soyez clair sur les attentes de chacun. Pour être un véritable succès, tout le monde doit se sentir gagnant, y compris les enfants !
5. Le choc de l’espace temps
Le risque de l’expatriation est double :
– Vous vivez uniquement dans le présent en occultant le caractère provisoire de votre passage dans votre pays d’accueil ;
– Ou au contraire, vous oubliez de vivre pleinement ces années en vous disant “A quoi bon puisque l’on va repartir ?”.
L’expatriation n’est qu’une étape dans la vie, ce n’est pas ce qui fait votre vie ou votre carrière. Quel est votre objectif à long terme ? Comment cette ou ces expatriations vous rapprochent-elles de cet objectif ? Que ce départ ait été voulu ou subi, trouvez comment sortir votre épingle du jeu, ce que vous pouvez en retirer. Votre expérience n’en sera que plus motivante et bénéfique.
6. Le choc culturel avec ceux restés “au pays”
Terminons sur un choc bien connu mais souvent difficile à gérer car on ne sait quelle attitude adopter. On hésite entre le “Je ne dis rien” et le “Je m’énerve franchement” face à toutes ces remarques dites de manière anodine et sans envie de juger. Le hic est qu’elles font toujours mouche car elles touchent aux craintes et aux difficultés que vous pouvez rencontrer. Par exemple, “Ce doit être génial de ne rien faire !” dit à un conjoint suiveur qui cherche par tous les moyens à remplir son agenda pour ne pas rester chez lui ou encore “Un nouveau pays dans 6 mois? Génial ! T’inquiète, vous allez vous adapter” quand vous venez finalement de réussir à rebâtir une certaine stabilité après plusieurs mois d’efforts dans un pays. Chaque question et la réaction qui lui est associée sont uniques à chacun.
Une recommandation ? Sentez-vous libre de porter à ces remarques l’attention que vous voulez bien leur accorder. Ignorez-les ou réagissez : elles peuvent être stratégiques et servir à l’action.
So what ? Same same but different ! Restez le même mais différemment !
Réfléchissez à tous ces chocs, demandez-vous ce qu’ils peuvent vous apporter. Prenez les portes qui se ferment, les obstacles sur votre route comme autant de chances de sortir de vos limites et faites preuve d’audace et de créativité. Prenez de la hauteur pour devenir qui vous voulez. Votre enrichissement personnel pourra se construire sur toutes ces expériences découlant d’une expatriation. Vous ne subirez plus mais choisirez.
Article publié sur Le Petit Journal de Stockholm