Qu’il s’agisse de votre première expérience à l’étranger ou que vous soyez devenu-e u-n-e expert-e de l’expatriation, la même question revient irrémédiablement : « Vais-je réussir à m’adapter ? ». Cette question de l’adaptation est commune à tous, que l’on soit envoyé-e par son entreprise, que l’on suive sa compagne ou son compagnon ou que l’on parte seul-e… Nous nous posons tous la question de savoir si nous allons « bien vivre » dans le pays que nous avons choisi. Oui, nous l’avons choisi, que ce choix soit conscient, que l’on ait fait une concession ou accepté le sacrifice. Nous avions la possibilité de dire non. Donc retroussons nos manches et adaptons-nous !
Et là, vous vous dites : « Encore une qui va nous dire qu’il faut que l’on soit consensuel, « lagom » (1), qu’on apprenne la langue… ». Pourquoi le ferais-je ? Vous l’avez déjà entendu maintes fois. Cela s’est-il révélé efficace pour tous ? Tous ceux qui travaillent et vivent ici sont-ils devenus des stéréotypes suédois ?
Le facteur clé de l’adaptation n’est pas votre connaissance du pays, ce n’est pas non plus une connaissance parfaite de la langue ou une imitation parfaite du comportement attendu entre Suédois. Ces connaissances et ces comportements sont des outils au service de votre adaptation.
La clé de l’adaptation réside en vous et le sens que vous donnez à ce que vous vivez. Le reste fait partie de votre plan d’action pour y parvenir.
Je vous propose 6 clés pour favoriser votre adaptation à un nouvel environnement :
1. Prenez conscience que vous êtes déjà adapté-e !
Chaque nouvelle étape de votre vie demande une adaptation.Tracez une ligne représentant votre vie, repensez à toutes les étapes qui l’ont jalonnée : l’arrivée dans une nouvelle école, le passage au collège ou au lycée, le début des études supérieures, le départ de la maison parentale (et le retour parfois), la formation du couple, l’arrivée des enfants, un nouveau poste… Nous passons notre temps à nous adapter à de nouveaux environnements.
A quelles fins vous êtes-vous adapté-e ? Qu’avez-vous mis en place alors ? Qu’avez-vous ressenti ? Comment expliquez-vous que jamais vous n’aviez pensé à ces adaptations et que vous redoutez celles-ci ?
2. Donnez du sens à ce que vous vivez !
S’adapter, d’accord, mais pour quoi faire ? Qu’attendez-vous de cette expatriation ? Qu’est-ce qui est important pour vous ? Comment cette expérience s’inscrit-elle dans votre parcours de vie, que cela soit personnel, familial, professionnel… ? Si vous êtes en couple ou êtes parti-e en famille, comment faire en sorte que la situation soit gagnant-gagnant pour tout le monde ?
Une expatriation lors de laquelle un seul des membres de la famille s’éclate pendant que les autres attendent le prochain déménagement est vouée à l’échec. Chacun doit y trouver son compte et sentir qu’il retire quelque chose de nouveau de cette expérience, même si cela s’avère être aux antipodes de ce à quoi il ou elle s’attendait.
3. Fixez vous des objectifs !
Vous savez ce que vous attendez, ce que vous voulez. Vous avez des rêves, des aspirations qui vous portent. Comment y parviendrez-vous ? Donnez-vous des objectifs à court, moyen et long termes.
« A quoi sert le long terme, on repart dans 3 ans ? » Rappelez-vous que la vie d’expat’, c’est aussi la vie tout court. Elle ne s’arrête pas à cette parenthèse. Que ferez-vous après cette expatriation ? Vivez le moment présent mais pensez sur le long terme.
L’important est d’avoir un but, une destination finale et de poser sur le chemin les étapes qui vous permettront d’évaluer le chemin parcouru.
Attention cependant à ne pas confondre objectifs et recherche perpétuelle de quelque chose à faire ou à prouver !
4. Ne confondez pas besoin et moyen !
Mieux vous vous connaîtrez vous-même, plus vous saurez trouver les clés pour vous adapter.
Apprendre le suédois, participer à des formations interculturelles, assister à des workshops, s’ inscrire dans des réseaux… Tous ces éléments sont utiles, voire nécessaires, mais à quels besoins répondent-ils ?
Prenons l’exemple de la langue. On nous dit : « pour vous adapter au pays, apprenez la langue locale ». À quel besoin correspond ce moyen ?
- Je veux pouvoir communiquer : dans ce cas, l’anglais peut peut-être vous suffire puisqu’en Suède, 86% de la population possède une excellente maîtrise de la langue anglaise. (2)
- Je veux pouvoir me sentir chez moi ici et être traité-e sur un pied d’égalité avec les gens du pays : alors, une maîtrise parfaite de la langue peut s’avérer nécessaire. Le temps, les cours, les contacts seront autant de moyens pour parvenir à vos fins et répondre à votre besoin.
- Je veux me prouver que je peux y arriver et gérer mes activités quotidiennes dans la langue du pays ou je veux accompagner mes enfants dans leur apprentissage de la langue. Quel niveau de maîtrise de la langue souhaitez-vous alors atteindre ?
Identifiez ce dont vous avez besoin, la boîte à outils sera ensuite à votre disposition et vous saurez exactement quoi et où chercher. Votre adaptation prendra tout son sens et vous saurez sur quoi concentrer vos efforts. Ce ne sera plus « s’adapter car il faut s’adapter ».
5. Apprivoisez votre environnement !
Acceptez tout d’abord de ne pas tout comprendre. Prenez chaque « surprise » comme une opportunité d’apprendre sur l’environnement qui vous entoure ou sur vous-même.
Jouez la curiosité : posez des questions ! Cela vous permettra de comprendre mais aussi de montrer à votre interlocuteur que vous vous intéressez à sa manière de percevoir les choses. Cela l’amènera, et vous aussi par la même occasion, à réfléchir sur vos manières de faire.
Impliquez votre entourage, votre environnement dans votre apprentissage. Il vous manque un élément ? Vous avez des difficultés ? Dites-le ! La plupart de vos interlocuteurs seront souvent ravis de vous accompagner et vous trouverez ensemble de nouvelles possibilités pour faire les choses différemment. Acceptez que la réponse puisse être maladroite ou que votre question ne soit pas comprise. Votre interlocuteur aussi fait face à une nouvelle culture.
Identifiez également ce qui provient des normes culturelles d’un pays et de ce qui fait l’individualité de vos interlocuteurs. Tous les Suédois, tous les Français… ne sont pas identiques. Si on y regarde de plus près, nous sommes tous très différents et répondons à notre propre culture de manière très particulière.
Osez, testez, expérimentez et n’hésitez pas à le dire !
Ce n’est pas pour autant que votre performance ou votre intelligence seront remises en question.
6. Faites la différence entre adapter et adopter !
Les individus sentent vite quand une personne n’est pas authentique, que cela soit conscient ou inconscient. Souvent en expatriation, pour être accepté-e et pour s’intégrer, on essaie à tout prix d’adopter les attitudes et comportements des habitants du pays d’accueil, même si cela va à l’opposé de la personne que l’on est. C’est ce qu’on appelle de la « sur-adaptation ». C’est souvent l’effet inverse qui se produit : nous ne sommes pas à l’aise et nous nous trouvons « mauvais-e », la personne en face sent que « quelque chose ne colle pas » et ne donne pas suite ou se fait distante. Cela peut occasionner de la frustration, de l’anxiété. Bref, personne ne se sent bien !
Prenez conscience de vos émotions. Quelles situations vous rendent heureux, triste, vous mettent en colère ? Creusez ! Vous ne pouvez maitriser vos émotions, elles vous poussent à agir ; elles sont votre moteur. Aucune n’est bonne ni mauvaise. Vous ne pouvez les changer. Par contre, vous pouvez modifier les comportements qui en découlent, les adapter à un instant T. Ce n’est pas parce que vous adaptez un comportement maintenant que vous devez l’adopter pour le reste de votre vie. Et si le comportement est contre vos valeurs, eh bien, ne l’adoptez pas et expliquez pourquoi calmement.
S’adapter, c’est savoir être à mi-chemin entre soi et les autres. Cela signifie :
- Être capable de reconnaître et de comprendre ses états d’âme, ses émotions et leurs effets sur les autres pour développer une évaluation réaliste de soi et une aptitude à ne pas se prendre trop au sérieux. Cela permet de prendre confiance en soi.
- Être capable de contrôler et de réorienter son état d’esprit, de suspendre son jugement et de réfléchir avant d’agir, ce qui permet de faire face à ses propres craintes et de s’ouvrir au changement tout en gardant son sang froid.
- Être capable de poursuivre des objectifs avec énergie et ténacité en nourrissant son désir de réussir, en cultivant son optimisme et son engagement.
- Être capable de comprendre le tempérament d’autrui et d’interagir avec les gens en fonction de leurs réactions émotionnelles.
- Et enfin, être capable de trouver un terrain commun et d’établir des rapports avec les autres en reconnaissant sa propre individualité et la leur.
S’adapter, c’est prendre le meilleur des cultures pour être soi au sein d’une société, surpasser ses objectifs et aider les autres à atteindre voire surpasser les leurs.
- Lagom: terme suédois difficile à traduire qui signifie « ni trop ni trop peu» ou « trouver le juste équilibre »
- Eurobarometer 2012
Publié sur Le Petit Journal de Stockholm