Vous êtes expatrié-e. Vous avez quitté votre pays d’origine en vous disant que vous alliez construire votre avenir professionnel, que ce serait une expérience enrichissante. Aujourd’hui, vous y êtes. Comment voyez-vous votre avenir ? Que ferez-vous l’année prochaine ? Comment voyez-vous votre vie dans 2, 3, 10 ans, après cette période à l’étranger ?
L’incertitude quant à la durée du séjour, la méconnaissance de ce qui arrivera après incitent parfois à se focaliser sur le temps présent. « J’ai bien assez à gérer maintenant, pourquoi me prendre la tête avec quelque chose sur quoi je n’ai pas de prise ? ». Carpe Diem !
Ce lâcher prise, cette capacité à relativiser, à prendre les choses comme elles viennent, sont une grande force pour des personnes en perpétuel mouvement ; cela amène une certaine stabilité dans leur monde en perpétuel bouleversement.
Le hic, c’est que ce « Carpe Diem » peut se révéler trompeur, un piège qui finit par nous rattraper.
Quelle est votre stratégie ?
Que souhaitez-vous accomplir ? Quel sens voulez-vous donner à votre vie, à cette expatriation, à la prochaine, à votre potentiel retour au pays ?
Parler de stratégie, c’est parler de ce que vous voulez. La stratégie ne parle pas seulement aux grosses entreprises. Elle est présente au quotidien, dans la toute petite entreprise comme dans la multinationale, mais aussi dans nos vies personnelles.
La stratégie répond à une question au final assez simple : que voulez-vous et comment comptez-vous l’obtenir, y parvenir ? La réponse, quant à elle, peut être plus problématique.
Pensez par étape :
1. Quel est le challenge ? Quelles sont les opportunités et les menaces ?
2. À quoi ressemble ce challenge ? Pourquoi le définissez-vous comme tel ?
3. Comment pouvez-vous répondre à ce challenge ? Formulez toutes les alternatives possibles et laissez le temps à chaque idée de grandir avant de la choisir ou de la rejeter.
4. Choisissez les solutions qui vous conviennent le mieux à l’instant T, optez pour les « quick wins » : que pouvez-vous ou devez-vous faire pour mettre en place et exécuter votre plan d’action ? Quelles sont ces actions ? Donnez-vous des dates de réalisations.
5. Évaluez les résultats : comment ces actions entreprises vous aident-elles à avancer vers la réalisation de vos objectifs ? Quels en ont été les effets ?
6. Une stratégie n’est pas figée dans le marbre. C’est l’objectif final qui l’est. Quels ajustements avez-vous besoin de faire au vu des actions entreprises et des résultats obtenus ?
Comment envisagez-vous le court / moyen / long terme ?
Il est important de penser à votre stratégie selon différents angles temporels. Pensez en étapes et objectifs à court, moyen et long terme. La frustration et la perte de motivation sont à leur comble quand on essaie de répondre à ces différentes étapes de manière rigide, inflexible.
Chacun de ces horizons a des sous-objectifs différents et requièrent des approches différentes :
– Votre objectif long terme est votre résultat final. Il vous sert à garder une vision, une mission, une direction globale pour l’ensemble de vos actions. Nous pourrions le caricaturer par la question « Que voulez-vous faire quand vous serez grand ? ». À quoi voulez-vous que votre vie ressemble après ces années à l’étranger ?
– Votre objectif à moyen terme vous permet de mettre en place les actions nécessaires à l’accomplissement de votre vision et à vous donner un point d’étape. Que souhaitez-vous avoir accompli à la fin de cette expatriation ? Comment cela vous rapproche-t-il de votre objectif final ?
– Le court terme est votre temps présent et vous permet d’explorer les options qui se présentent à vous, d’évaluer les adaptations à mettre en place. Que pouvez-vous apprendre de cette expérience ? Devriez-vous tenter de nouvelles choses ?
Comment adaptez-vous votre stratégie à votre environnement ?
Vous ne choisissez pas toujours votre pays de destination ni le temps que vous serez amené à passer dans ledit pays. Cela ne signifie pas pour autant d’abandonner les actions que vous avez définies, simplement devez-vous les adapter à votre nouvel environnement. Soyez flexible mais ne lâchez rien !
Observez, écoutez, apprenez à décoder les us et coutumes, les règles et les normes des groupes dans lesquels vous devez vous intégrer, qu’ils soient locaux ou internationaux. Cela vous permettra d’explorer les opportunités naissantes ou les risques pouvant survenir.
Sans perdre de vue votre objectif final, quelques questions peuvent ici encore structurer votre approche :
– Quel est votre environnement ? Le pays, bien sûr, mais au vu de vos objectifs, votre priorité est-elle de naviguer avec les locaux, les internationaux ou votre communauté nationale ? Qu’en est-il de votre pays d’origine ou des pays par lesquels vous êtes passés : quel rôle jouent-ils ou peuvent-ils jouer ?
– Que pouvez-vous apporter à cet ou ces environnement(s) ?
– Que peut vous apporter cet environnement ? Pensez à tout ce qui vous a sauté aux yeux ou fait « tiquer ». Ne pourriez-vous creuser la raison pour laquelle cet élément s’est ancré dans votre esprit ? Ne peut-il être une opportunité ou un risque caché ?
– Quelles sont les informations qui se cachent dans la langue du groupe (que cela soit la langue du pays ou le langage employé par le groupe que vous ciblez) ? Qui peut vous aider à les identifier si vous ne parlez pas cette langue ?
– Comment pouvez-vous vous faire entendre et surtout comprendre par votre environnement ?
Enfin, vos émotions sont-elles vos alliées ?
Le temps présent en expatriation est constamment accompagné d’un florilège d’émotions parfois très intenses. Elles peuvent être reliées au passé ou amplifiées par les doutes et incertitudes concernant le futur. En plus de cela, « l’expatrié oscille souvent entre estime et mésestime de soi selon les petits succès ou les galères de la journée et de la semaine ; entre l’estime ou la mésestime qu’il perçoit de sa société d’accueil, de sa famille, de son pays d’origine. Il est constamment entre deux faces d’une réalité qu’il cherche à apprivoiser ».
Les émotions ressenties peuvent être un « boost » puissant si vous parvenez à leur donner un sens, un but. Sans ce but, elles sont vaines ; elles perdent leur fonction première : vous faire avancer. Sans but, les joies sont vite oubliées quand les difficultés surviennent, les peurs mènent à l’immobilisme, les colères face aux incompréhensions mènent à l’isolation.
Respirez et questionnez-les. Fêtez les succès, écrivez vos joies ; analysez vos peurs, parlez-en ; questionnez vos colères : contre qui sont-elles tournées ? Pourquoi ?
Les expatriés sont de vraies balles de ping pong : ils savent rebondir, repartir vers de nouvelles aventures, sont des pros de la prise de poste, de la logistique, du système D. Ce sont de vrais athlètes. Mais attention à la surcharge, au claquage, à la fatigue, à la démotivation. Le piège du temps présent en expatriation est qu’on ne voit que la prochaine compétition ou celle en cours mais on ne pense pas à long terme, à l’après Jeux Olympiques, à la reconversion. La fatigue, l’absence de vision induisent une perte de motivation qui attaque la confiance en soi et sa propre estime. Adaptez le chemin, testez les scénarios, revenez sur vos pas mais ne perdez pas l’objectif final de vue. Ne lâchez rien !
En un mot, tissez votre fil d’Ariane ! Vivre en expatriation est comme vivre dans un labyrinthe : vous avancez et pouvez tomber sur un mur à première vue infranchissable. Soit vous restez bloqué, soit vous prenez un nouveau chemin en passant les obstacles et en trouvant de nouvelles solutions. L’expatriation peut aussi devenir votre propre espace de création: testez, copiez , innovez et créer votre propre culture.
Article publié dans Le Petit Journal, édition de Stockholm